La réserve héréditaire désigne la part du patrimoine qui, dans le cadre d’une succession, est réservée aux enfants ou, à défaut, au conjoint survivant. Un principe mis en place en France pour éviter que des personnes choisissent de déshériter totalement leurs descendants.
Le patrimoine d’une personne est divisé en deux parties : la réserve héréditaire et la quotité disponible. Si le donateur peut disposer librement de cette dernière pour favoriser un tiers à sa succession, la réserve héréditaire reviendra obligatoirement à certains héritiers, et ce quelles que soient les relations qu’ils entretenaient avec le défunt.
Ces héritiers protégés par la législation sont les héritiers réservataires. Il s’agit des enfants du défunt et leurs descendants, ou en l’absence d’enfants, du conjoint survivant. En principe, la dévolution successorale, qui définit l’ordre de priorité des héritiers, prévoit qu’ils reçoivent la totalité du patrimoine de la personne décédée. Cependant, de son vivant, cette dernière a pu rédiger un testament ou effectuer une donation entre vifs. Dans ce cas, elle a pu favoriser un tiers : un héritier n’étant pas de premier ordre, un ami, une fondation, une association… La loi prévoit alors de réserver une part minimale, dite réserve héréditaire, aux héritiers réservataires.
La valeur de la réserve héréditaire est estimée au jour du décès après inventaire de l’actif successoral. Elle dépend notamment de la présence ou non de descendants ainsi que de leur nombre. Si le défunt a des enfants, quel que soit leur statut (issus ou non du dernier mariage du défunt), la réserve héréditaire s‘élève à :
La moitié des biens si le défunt n’a qu’un enfant,
2/3 des biens s’il a deux enfants,
3/4 des biens s’il a trois enfants ou plus.
Dans le cas où le défunt ne laisse pas de descendant, une réserve héréditaire correspondant au quart de ses biens revient au conjoint survivant.
La quotité disponible est la part de patrimoine restante après retranchement de la réserve héréditaire. L’individu préparant sa succession peut l’attribuer librement au(x) bénéficiaire(s) de son choix. Cette partie des droits et biens successoraux peut être fixée :
Par donation : la propriété est alors transmise avant le décès,
Par legs (testament) : la transmission ne se réalise qu’après le décès.
À noter : La loi du 1er août 1972 a introduit la notion de quotité disponible spéciale entre époux, qui permet d’avantager le conjoint survivant en amont de la succession. Par donation ou testament, il peut lui être transmis :
L’équivalent de la quotité disponible ordinaire,
Un quart de la succession en pleine propriété et trois quarts en usufruit,
Ou bien la totalité de la succession en usufruit.
A l’ouverture de la succession, lorsqu’il apparaît que la valeur d’un bien donné ou légué dépasse la quotité disponible, la libéralité doit être réduite, ce qui signifie que le bénéficiaire doit indemniser les héritiers réservataires afin que leur part de réserve soit reconstituée.
Pour signer la renonciation à l’action en réduction, il faut être majeur et posséder des capacités mentales permettant d’effectuer son choix en toute conscience. Le document doit répondre à plusieurs formalités prévues par la loi, en précisant notamment :
L’identité de l’héritier réservataire qui renonce à une action en réduction,
Ce à quoi il renonce,
L’identité du bénéficiaire du bien légué ou doté,
Ainsi que les conséquences juridiques de cette renonciation.
En établissant un tel document, l’héritier réservataire s’engage à ne pas contester les legs et les donations qui pourraient le priver d’une partie ou de la totalité de sa part de réserve. Le donateur ou le testeur doit aussi accepter la décision de l’héritier réservataire de renoncer à ses droits successoraux.
Il est possible de résilier le pacte successoral en saisissant le tribunal. Pour cela, la situation doit correspondre à l’un des trois cas suivants, mentionnés dans le Code civil :
Le futur donateur ne respecte pas ses obligations alimentaires envers l’héritier réservataire,
Le bénéficiaire de la renonciation s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit contre l’héritier réservataire,
L’héritier est en difficulté financière lors de l’ouverture de la succession, mais cet état disparaîtrait s’il n’avait pas renoncé à ses droits réservataires.
Grâce à la réserve héréditaire, les descendants en ligne directe, et parfois le conjoint survivant, ont un droit sur une part des biens du défunt. S’il est obligatoire de la respecter, il est possible de diminuer son montant. Pour cela, il faut placer des fonds sur une assurance-vie, qui permet de transmettre un capital hors succession.
Les sommes présentes sur un compte d’assurance-vie, et payables au bénéficiaire après le décès du souscripteur, échappent aux règles du rapport à succession, mais aussi à la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers. Mais attention : si les héritiers réservataires s’estiment lésés, ils ont la possibilité de faire valoir le caractère « manifestement exagéré » des primes de l’assurance-vie. Après évaluation, un juge pourra réintégrer l’ensemble ou une partie des primes à la succession.
Jusqu’à très récemment, quand une personne de nationalité française résidait et décédait à l’étranger, elle pouvait ne pas respecter le principe de la réserve héréditaire s’il n’existait pas dans son pays de résidence. Cependant, depuis un article issu de la loi du 24 août 2021, l’héritier lésé peut « effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France ». Ainsi, il peut reconstituer la part qui aurait dû lui revenir au regard du droit français.
Grâce à la réserve héréditaire, il est impossible, en France, de déshériter ses enfants. Si un héritier réservataire peut renoncer à sa part avant le décès du donateur ou du testeur (avec l’accord de ce dernier), il reste protégé, en présence ou non d’un testament.
Reconnue d’utilité publique en 1898, l’Institut Pasteur de Lille est une fondation privée financièrement et juridiquement indépendante, habilitée à recevoir des dons, des legs et des assurances vie.